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Trempe d'acier à lime utilisé en coutellerie

MessagePosté: Ven 29 Juil 2011 00:30
de juju 77
Bonjour à tous.
Je vois régulièrement sur le forum des couteaux forgés à partir de vieilles limes ; j'ai également vu qu'en général vous considérez que ces limes sont en acier à 1,3% de carbone, mais cette valeur est-elle réellement valable pour une grande majorité de ces limes, ou d'autres paramètres peuvent-ils entrer en compte (éventuellement des alliages pour certaines marques de limes ou peut-être des taux de carbone variables d'une marque de lime à l'autre) ? Je me pose la question quant aux traitements thermiques à appliquer de manière "générique" lorsqu'on travaille avec ce type de matière première.
Par exemple, en se basant sur la température de démagnétisation, combien d'éclaircissement de couleur de l'acier observez vous (pour me repérer, je prends pour base le début de la démagnétisation et j'observe les éclaircissements successifs de l'acier à partir de ce point qui est pour moi à la limite entre un "orange sombre" et un "orange lumineux") ou à quelle température en °C trempez-vous ce type d'acier pour avoir une trempe correcte avec la majorité des vieilles limes que vous forgez ?
Je pose la même question par rapport aux râpes à bois mais je suppose que dans ce cas, les variations de taux de carbone doivent être plus importantes d'une marque à l'autre car le bois est un matériau bien plus facile à entamer que le métal et est donc plus tolérant vis à vis de la dureté de l'acier employé.
Merci d'avance des réponses que vous pourrez poster, cela éliminera pour moi et peut-être d'autres un flou qui peut être gênant quand on veut obtenir des résultats corrects avec ce que l'on a de disponible dans l'immédiat.

Re: Trempe d'acier à lime utilisé en coutellerie

MessagePosté: Ven 29 Juil 2011 10:30
de BDelor
La réponse est en grande partie dans la question : à partir du moment où l'on utilise de l'acier de récupération, on n'a jamais la certitude à 100% du type de nuance.
Pour ce qui est de limes à métaux :
  • si elles sont vieilles, on a effectivement une forte probabilité d'avoir un acier non allié à fort taux de carbone, 1,3% étant en effet la référence habituelle,
  • si elles sont récentes, cela peut être n'importe quoi : un acier allié, un acier cémenté en surface...
Le problème, c'est que les limes "de récupération" sont généralement achetées en brocante, vide-grenier...etc. Elles sont en mauvais état, uniformément rouillées, et le vendeur n'a le plus souvent aucune idée de leur origine, ce qui fait qu'il est difficile de savoir si elles ont 10 ans ou 100 ans d'âge...

Si l'on part de l'hypothèse - assez probable - d'un acier non allié, le test de l'amagnétisme permet d'obtenir des résultats corrects sans plus de repères ni d'outils de mesure qui d'ailleurs seraient inutiles puisqu'on est de toute façon dans l'incertitude.
Par contre je suis incapable de détailler les "éclaircissements successifs". Dans la mesure où le phénomène est continu, on peut y voir autant d'étapes intermédiaires que l'on veut...

Pour assurer le coup, il est aussi possible de faire des tests : prélever un échantillon du métal en question, le forger, effectuer les traitements thermiques, vérifier la trempe, casser l'échantillon pour examiner le grain... cela évite de se louper complètement dans le cas d'un acier insuffisamment carburé (lime de mauvaise qualité uniquement cémentée en surface par exemple), ou de traitements thermiques mal conduits. En revanche, cela ne permettra pas de détecter un acier allié, qui de toute façon prendra quand même la trempe et pourra avoir un grain correct, mais sera malgré tout très loin de ses préconisations d'utilisation optimales.

La seule solution pour travailler avec précision et être sûr de ses résultats, c'est de commander des nuances d'acier connues auprès d'un fournisseur. Le surcoût (de plus assez faible pour des aciers non alliés) est très largement compensé par le temps gagné, ou plutôt le temps "pas perdu" en essais, loupés, et travaux à refaire...

Re: Trempe d'acier à lime utilisé en coutellerie

MessagePosté: Ven 29 Juil 2011 11:16
de juju 77
Merci de ta réponse qui était, il est vrai, plus ou moins dans la question ; je me posais cette question car il me semble que le forgeage de limes est une pratique assez répandue et je me demandais si tous ceux qui travaillent ainsi le faisaient totalement à l'aveuglette ou si ils prenaient des valeurs de base relativement valables.

Re: Trempe d'acier à lime utilisé en coutellerie

MessagePosté: Ven 29 Juil 2011 21:33
de Stéphane Détrait
Bonsoir,
ceci m'intéresse car je vais me procurer des râpes de maréchal-ferrant pour les reforger.
Un coutelier utilisant beaucoup ce type de récupération m'a conseillé avant tout de casser le bout pour en déterminer la qualité : si elle se tord au lieu de casser, cela risque d'être un acier de piètre qualité pour un usage de coutellerie. Si elle casse net alors on regarde le grain qui donnera une indication pour les futurs traitements thermiques. Il faut aussi bien la recuire avant la forge pour éviter les déconvenues durant le processus de forge.

Re: Trempe d'acier à lime utilisé en coutellerie

MessagePosté: Ven 29 Juil 2011 22:54
de BDelor
saiguerac a écrit:Il faut aussi bien la recuire avant la forge pour éviter les déconvenues durant le processus de forge.

Est-ce que tu es sûr, à ce sujet ? J'ai en effet déjà lu cela, mais je ne vois pas d'explication logique. Il me semble qu'une fois monté à température d'austénisation, l'état antérieur de l'acier ne doit plus guère importer...

Sinon - au risque de me répéter - pourquoi se compliquer la vie avec les problèmes liés à la récupération ?
Compte tenu des faibles quantités que nous utilisons en coutellerie artisanale, et du faible coût des aciers de base dont il est question, l'économie réalisée par rapport à de l'acier dûment identifié commandé via un fournisseur ne me semble pas mériter tant de complications...

Re: Trempe d'acier à lime utilisé en coutellerie

MessagePosté: Sam 30 Juil 2011 00:08
de juju 77
Concernant le recuit avant la forge, je pense que cela doit permettre d'avoir un acier ayant une dureté la plus faible possible sur l'ensemble de la pièce, car il doit y avoir un risque de commencer à forger un acier ayant déjà subi une trempe en commençant par exemple par une extrémité qui sera portée à température de forge, et le reste encore relativement froid avec des zones encore trempées. Dans ce cas, les ondes de choc des coups de marteau sur la partie chauffée risquent de provoquer des fissures ou des casses sur les zones encore trempées... c'est l'explication qui me parait la plus logique.

Re: Trempe d'acier à lime utilisé en coutellerie

MessagePosté: Sam 30 Juil 2011 09:23
de lamoksha
Alors, comme le mentionne Bernard, les traitements antérieurs sont détruits instantanéments à la chauffe. D'autre part, même en cas de chauffe partielle, sur la longueur d'une lime - si 15 cm par ex. sont à rouge -, le reste est à une température suffisante pour en quelque sorte faire revenir la trempe, et donner assez de résilience à la pièce.
En fait, là où il faut se méfier, c'est surtout de s'assurer que la température soit bien à coeur : ça c'est important.
Mais à mon sens, un recuit avant forge n'apporte rien.
Le seul intérêt de celui-ci serait bien sûr pour travailler en "stock removal".
D'autre part, il y a une grosse différence entre une lime, et une râpe de maréchal, question nuance et dureté ; et je ne vois pas très bien, dans tous les cas de figure, ce que l'observation du grain pourrait indiquer au niveau des traitements thermiques à venir...
Pour terminer, et à moins de connaître exactement la nuance de la râpe ou de la lime, les traitements thermiques seront toujours aproximatifs...
Après, "ça coupe" ? Oui, peut-être, mais quand on considère le prix de la matière en question, je suis tout à fait d'accord avec Bernard ; je ne vois aucun intérêt à se priver d'un acier connu, et de la possibilité, donc, d'en tirer le meilleur... et ce n'est déjà pas si simple que ça.

Re: Trempe d'acier à lime utilisé en coutellerie

MessagePosté: Sam 30 Juil 2011 19:58
de Stéphane Détrait
Je me suis mal expliqué : le fait de casser la lime ou râpe permet d'avoir une idée du travail antérieur fait sur cet objet, donc du résultat que l’on peut en espérer, si bien évidemment les traitements thermiques ont été faits dans les règles de l'art.

Après, travailler sur des aciers de récupération ne tient pas au fait, dans mon cas précis, d'économiser sur la matière première mais du plaisir de recycler un objet ayant déjà travaillé par le passé. De plus, tous les couteaux que j'ai vus, forgés dans de vieilles limes ou râpes, ont un cachet et une âme différente de ceux faits dans un méplat d'acier standardisé. La forge a pour moi quelque chose d'instinctif, un caractère alchimique qui me rappelle une citation de Baudelaire extraite des fleurs du mal : "j'ai pétri ta boue et j'en ai fait de l'or".

Re: Trempe d'acier à lime utilisé en coutellerie

MessagePosté: Sam 30 Juil 2011 20:51
de lamoksha
Certes, Saiguerac, le tout est ensuite de retrouver voire de deviner ces traitements.
Maintenant, je pense qu'il a été compris qu'il ne s'agit pas d'économie sur la matière. Le propos tendait simplement à insister sur le faible coût de ce genre d'acier, avec des résultats prévisibles et beaucoup moins aléatoires.
Le recyclage d'aciers, s'il part d'un noble sentiment, doit en principe et dans le cas précis de la coutellerie, déboucher néanmoins sur un résultat mécanique et dynamique fiable. Imaginons que le couteau soit vendu : le client est en droit d'attendre une lame digne de ce nom, qui se satisfait mal d'un traitement approximatif.
Quoique, personnellement je vois pas d'âme particulière dans un couteau mi-lame, mi râpe, je reconnais volontiers qu'il a ses adeptes. En outre, j'apprécie beaucoup la poésie, aussi, tout en ayant conscience que la boue ne se transforme pas en or toute seule.
Mais, sache que je respecte ton point de vue, chacun a le droit de mettre l'accent sur ce qui lui parle le plus, quitte à faire certaines concessions au niveau du résultat. Ce n'est pas le choix de tout le monde, tu l'auras compris.
Bien cordialement.

Re: Trempe d'acier à lime utilisé en coutellerie

MessagePosté: Sam 30 Juil 2011 21:45
de Stéphane Détrait
C'est vrai, on est en droit d'attendre des traitements rigoureux de toute fabrication. C'est même à mon sens le devoir de tout coutelier que de faire des lames les plus fiables et parfaites possible.
Mon point de vue n'est pas parole d’évangile, c'est juste ma vision des choses ; par contre, je ne ferais pas de concessions sur les qualités de la lame même au regard de la poésie. Si jamais la forge de lime ou râpe ne me donne pas les résultats escomptés ou si je suis incapable d'en tirer le meilleur alors je repartirais sur des aciers conventionnels. Je ne ferais jamais de concessions au niveau du résultat, quitte à passer l’esthétique au second plan ! Mes couteaux sont avant tout destinés à être utilisés, pas à finir au fond d'une vitrine.