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Diagnostic de fragilité d'une épée brisée

MessagePosté: Sam 5 Nov 2011 18:48
de Wallia
Bonjour,

j'avais fait une épée médiévale blunt (non coupante et pointue, pour faire de l'escrime) découpée dans de l'acier bleu (XC75) avec un découpeur au plasma puis par enlèvement de matière.
Je l'ai ensuite trempée et revenu central au bleu au chalumeau.
J'avais fait des tests de souplesse qui étaient plutôt satisfaisants, il ne restait plus qu'à faire le test au combat (combat « réaliste » pour faire des AMHE, donc pas si violent que ça pour une lame)… et là, manifestement, elle n'a pas passé le test, puisque elle s'est cassée net en peu de temps !

Voici la photo de la cassure :

Il y a trois morceaux sur la photo : en fait, la vraie cassure est visible sur les deux morceaux de droite, la cassure du morceau de gauche, c'est moi qui l'ai faite par la suite pour voir si je retrouvais la tache noire que l'on voit sur les morceaux de droite. Et, elle n'y est pas !

Je suppose que la tache noire vient en fait de l'huile de trempe (huile de vidange) mais cela m'étonne quand même. Vu la grosseur de la tache, cela montre qu'il y aurait du avoir une fente sur la lame assez grande, or, vu que c'était ma premier épée, je l'ai longtemps regardée, tant lors de sa fabrication que par la suite : je reste étonné de n'avoir rien vu.
Est ce que cette tache peut être le signe d'autre chose ?

En suite, je n'ai pas fait de normalisation puisque il n'y avait pas eu de forge... mais au final, je ne sais pas si le grain n'est pas un peu gros : qu'en pensez vous ?
En vous remerciant de votre aide !

Re: Diagnostic de fragilité d'une épée brisée

MessagePosté: Sam 5 Nov 2011 21:15
de gobannos
Bonsoir,

à première vue, le grain est quand même assez gros et je pense que le revenu au bleu est bien pour les tranchants mais pas pour une épée sécurisée de combat.

Pour faire le revenu, place toi plutôt dans la plage des 500 à 550 degrés, ton épée marquera un peu (comme une marque réputée pour marquer) mais elle ne cassera pas.

Par contre pour ton grain, surtout sur des lames (longues qui plus est) qui doivent encaisser des chocs, la normalisation
doit être faite correctement ; à savoir chauffer à la température de trempe et laisser ta lame refroidir lentement (refroidissement à l'air calme et si tu peux, la laisser refroidir dans du charbon pilé), en évitant le sable sauf s'il est chauffé car sinon tu refroidis plus vite qu'a l'air.
Personnellement, je fais comme ça et un seul.
Si tu recommences, tiens nous au courant mais comme il est débattu ailleurs, chacun a ses habitudes de travail.

Re: Diagnostic de fragilité d'une épée brisée

MessagePosté: Sam 5 Nov 2011 23:44
de BDelor
Le grain est vraiment très gros. Soit l'acier était déjà dans cet état au départ, soit (et c'est à mon avis plus probable) il est trop monté en température au moment de la trempe.
Pour commencer, les normalisations sont de toute façon à faire, ne serait-ce que par précaution. Pour la finesse de grain, il est préférable de faire un refroidissement assez rapide (air brassé par exemple). Mais cela ne prémunit pas contre une surchauffe ultérieure au moment de la trempe, il faut donc être très attentif à bien contrôler la température à ce moment là.
Le revenu à plus de 500°C me semble exagéré, on s'approche des conditions d'un recuit. Personnellement je pense qu'un revenu au bleu est suffisant.
Cet exemple démontre bien le risque qu'il peut y avoir à utiliser, dans des conditions de démonstration / spectacle, une épée dont la fabrication et les traitements thermiques sont mal maîtrisés. Et une telle maîtrise est loin d'être facile à acquérir.

Re: Diagnostic de fragilité d'une épée brisée

MessagePosté: Dim 6 Nov 2011 10:32
de gobannos
En fait, les revenus à 500°C sont faits par la plupart des "artisans" très mécanisés des Pays de l'Est et on obtient une dureté d'environ 40 à 45 HRC ; plus, on perdrait des bouts de lame.
Il y a quelques épées qui montent à 50 HRC et en cas de choc, avec le temps, on perd des morceaux (je pense à berbeckuz à ses début). Il vaut mieux un tranchant qui s'écrase (un peu comme les jiri). On ne recherche pas du tout la même chose en voulant faire une lame tranchante et une lame sécurisée pour combat.

(En conditions de recuit, c'est possible mais comme on est après trempe, c'est le revenu le plus couramment utilisé, c'est le revenu banal ou classique.) Le problème est que au bleu, ce n'est pas assez ; un peu plus, on arrive en zone de fragilité de l'acier : le choix est en fait mince.

Re: Diagnostic de fragilité d'une épée brisée

MessagePosté: Dim 6 Nov 2011 11:35
de BDelor
Les fragilités au revenu avaient déjà été discutées ici. Cela concerne certains aciers alliés, à mon sens pas le XC75 utilisé pour cette épée.

Re: Diagnostic de fragilité d'une épée brisée

MessagePosté: Dim 6 Nov 2011 14:38
de gobannos
Justement entre 300 et 450 degrés, quel que soient les aciers, il y a des précipitations qui se forment (déstabilisation de la martensite), qui forment un composé plus grossier une forme de bainite supérieure (grosse bainite) qui, elle, fragilise l'acier et qui est proscrite dans toutes les pièces mécaniques.

Alors quand je parle de fragilisation, c'est le couple flexibilité (résilience) / dureté qui n'est pas bon.
La dureté diminue mais la résilience diminue aussi à ces températures. (Il est dommage d'ailleurs que les constructeurs ne fournissent que trop rarement ce type de courbe avec la courbe de revenu superposée, bref c'est une autre histoire). C'est la courbe qu'a fourni sylvestre dans son sujet avec la courbe de revenu et de résilience dans le lien que tu as donné, Bdelor.
Tandis qu'à 500-550 degrés, la résilience augmente fortement (presque en flèche) et la dureté aussi du coup mais on reste dans des gammes de duretés de 30 à 45 HRC (selon le taux de carbone, élément d'alliage, etc.).

Mais cette fragilisation intervient dès que l'acier contient du carbone (suffisamment tout de même pour permettre une fragilisation) : il est certain que le taux de carbone sera déterminant, la résilience d'un C35 sera toujours plus grande que celle du C75 à revenu égal.

Re: Diagnostic de fragilité d'une épée brisée

MessagePosté: Dim 6 Nov 2011 16:28
de Wallia
Par contre pour ton grain, surtout sur des lames (longues qui plus est) qui doivent encaisser des chocs, la normalisation
doit être faite correctement ; à savoir chauffer à la température de trempe et laisser ta lame refroidir lentement (refroidissement à l'air calme et si tu peux, la laisser refroidir dans du charbon pilé),

Pour commencer, les normalisations sont de toute façon à faire, ne serait-ce que par précaution. Pour la finesse de grain, il est préférable de faire un refroidissement assez rapide (air brassé par exemple).


Quel avis dois-je suivre là ?
Quand je forge une lame d'un couteau ou là, je fais la normalisation, je la chauffe et je la laisse refroidir dans le foyer, jusqu'à que tout soit froid : c'est comme ça que j'ai appris, et que j'ai lu aussi. J'aurais tendance à dire la même chose pour une lame longue, non ?

Sinon, quelle est la couleur de l'acier entre 500 et 550 ? (Dans ma documentation, les couleurs « froides » s'arrêtent à bleu gris (316°) et les couleurs lumineuses commencent avec le rouge sombre naissant (575°) ) et entre, je n'ai pas souvenir d'une couleur particulière !

Re: Diagnostic de fragilité d'une épée brisée

MessagePosté: Dim 6 Nov 2011 16:54
de BDelor
Je suis d'accord avec toi, compte tenu du fait que l'on n'est pas dans un traitement thermique de coutellerie, mais dans une recherche de résilience. La question que je me pose, c'est ce qu'il advient de l'élasticité de l'acier à ce niveau de revenu : la lame ne casse pas, mais est-ce qu'elle ne va pas se tordre ?

Re: Diagnostic de fragilité d'une épée brisée

MessagePosté: Dim 6 Nov 2011 17:47
de Wallia
Voici un petit essai sur un tronçon de la lame cassé pour un revenu plus poussé (au chalumeau) !


Les deux points verts au milieu sont les endroits ou c'est même devenu lumineux l'espace d'un court instant... Est-ce suffisant pour la prochaine épée, ou dois je pousser encore plus ?
Le dégradé de couleur est il bon, ou il vaut mieux chercher une couleur uniforme ?

Re: Diagnostic de fragilité d'une épée brisée

MessagePosté: Dim 6 Nov 2011 19:56
de gobannos
A Bdelor : la lame pourra plier, oui, en effet mais elle garde une certaine souplesse quand même. Le fait est que pour une épée de frappe on préfèrera, si elle doit casser, qu'elle marque d'abord (quelle prévienne en quelque sorte)... car une lame d'épée cassée qui vole, ça part loin et ça peut faire mal : on est en fait plus du tout dans la même optique ; et si l'épée est tranchante c'est encore autre chose souplesse et extrême dureté sur le tranchant (mais là je n'apprends rien à personne).

A Wallia : Alors sur certains diagrammes fer-cémentite que j'ai, à 500°C, tu commences à être rouge mais là, il faut être dans le noir total pour le voir. Par contre, à la lumière, je ne sais absolument pas ce que ça donne.


Pour la normalisation, continue ce que tu fais et ce qu'on t'a appris.