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Re: Sabre yatagan de l'Empire Ottoman : une création de Bernard Delor, coutelier d'art

MessagePosté: Dim 14 Nov 2010 13:31
de BDelor
Olivier21 a écrit:Y-a-t-il une différence si l'on trempe à plat en immergeant totalement la pièce dans un grand volume de liquide plutôt qu'en hauteur ?

A mon avis pas grande différence du moment qu'il s'agit d'une trempe intégrale. Néanmoins, si on y regarde de près, en trempant horizontalement, il se produit un différentiel de température entre le tranchant et le dos de la lame, différentiel faible mais pour autant je préfère autant l'éviter.
Olivier21 a écrit:Est-ce que de la corne de renne ne pourrait pas aller ?

Oui, à la rigueur, mais comme il y a deux plaquettes symétriques, li faudrait avoir sous la main un stock suffisant pour pouvoir choisir deux bois ayant exactement les mêmes courbures et dimensions. Pas facile...
lamoksha a écrit:Mais, Bernard, et si j'ai bien compris concernant la poignée, il s'agit d'une pièce à part dans laquelle viendra s'emboîter la plate semelle suivant le principe des poignées japonaises, ou bien le cache joint ciselé fait corps avec celle ci par soudure ou autre ?

Non, c'est un montage en plate semelle alors que les sabres japonais ont un montage en soie. Ici la poignée n'est pas d'une pièce mais en plusieurs parties séparées qui viennent prendre place autour de la plate-semelle centrale :
  • d'abord une cale de bois de chaque côté pour donner de l'épaisseur,
  • ensuite une plaquette en ivoire de chaque côté également.
  • L'ensemble est riveté.
  • Enfin un cache joint cloué vient prendre place tout autour, pour dissimuler la plate semelle centrale et les deux cales de bois.

Re: Sabre yatagan de l'Empire Ottoman : une création de Bernard Delor, coutelier d'art

MessagePosté: Lun 15 Nov 2010 14:15
de BDelor
C'est maintenant le moment de faire la trempe. Comme expliqué précédemment, l'opération est effectuée à la verticale dans un cylindre rempli d'huile de trempe :


Je commence par faire une phase de normalisations avant de passer à la trempe. L'objectif est d'affiner une dernière fois le grain, dans le cas où une phase antérieure de recuit ait été conduite un peu trop haut en température.
Ici, le principe est celui de la normalisation forcée (sujet évoqué récemment dans le forum propos de la méthode de travail d'Andew Jordan) : on plonge la lame dans l'huile de trempe, juste le temps de tomber un peu la température, et on la ressort rapidement.
La lame étant encore très chaude, les vapeurs d'huile prennent feu spontanément. Sur un couteau c'est "amusant", sur une épée cela demande un minimum de prudence.


Vient ensuite la phase de trempe proprement dite dont vous ne verrez pas grand chose, car après le premier coup de flash, je mets tout le monde dehors... (Attention, les couleurs sont trompeuses du fait de la photo au flash)


Je vous confirme qu'il a fallu en passer par un redressage à l'étau en sortie de trempe. J'ai ensuite fait immédiatement le revenu à la forge.

Re: Sabre yatagan de l'Empire Ottoman : une création de Bernard Delor, coutelier d'art

MessagePosté: Lun 15 Nov 2010 14:52
de cardoso5fr
As-tu chauffé ta lame avec la petite forge derrière ?
Est-elle percée pour laisser passer la lame au travers et chauffer sur toute la longueur ?

Re: Sabre yatagan de l'Empire Ottoman : une création de Bernard Delor, coutelier d'art

MessagePosté: Lun 15 Nov 2010 15:03
de BDelor
Oui, c'est exactement ça. En faisant des aller-retours réguliers et en surveillant la couleur, il n'y a pas de gros problème. Il faut juste un peu de patience et d'habitude...

Re: Sabre yatagan de l'Empire Ottoman : une création de Bernard Delor, coutelier d'art

MessagePosté: Lun 15 Nov 2010 15:58
de lamoksha
Merci Bernard du partage de ce moment redoutable et redouté, spécialement sur de longues lames...
Effectivement, j'imagine qu'il n'est pas spécialement agréable d'être flashé à ce moment là.
A propos de la forge, et au vu du rendu du flash, tu es dans la pénombre donc pour visualiser les couleurs.. Mais comment fais-tu pour maintenir une aération du local suffisante ?
Je t'avoue que je fais très souvent les traitements sur les 5 heures du matin, côté porte, celle-ci entrebâillée, avec la FAG en extérieur, à portée de pince... Je ne peux pas installer de hotte pour des raisons de configuration de la maison (adossée au rocher, la partie cave/forge est sous la partie habitable...) Désolé, si la question est hors-sujet, mais concernant la sécurité ou la santé, il vaut peut-être mieux une question pour rien.

Re: Sabre yatagan de l'Empire Ottoman : une création de Bernard Delor, coutelier d'art

MessagePosté: Lun 15 Nov 2010 16:23
de BDelor
lamoksha a écrit:Mais comment fais-tu pour maintenir une aération du local suffisante ?

Tu as raison, et les questions de sécurité ne sont jamais hors sujet, d'ailleurs.
Dans mon cas, l'atelier a un toit de tuiles en pente, assez haut, sans plafond, ce qui fait que l'espace n'est pas trop confiné. De plus, juste à côté de l'emplacement de la FAG se trouve le départ de cheminée qui fait aspiration (et qui attend toujours que je construise une FAC en dur au dessous). Donc, il n'y a pas trop de problèmes d'évacuation des gaz pour le travail de forge. Par contre, une fois la trempe effectuée, j'arrête le travail et j'aère en grand parce que l'atelier est en grande partie envahi par les vapeurs d'huile de trempe.
Dans l'idéal, il faudrait mettre en place une aspiration forcée. J'envisagerai l'opération au moment de l'installation de la hotte pour la FAC.

Re: Sabre yatagan de l'Empire Ottoman : une création de Bernard Delor, coutelier d'art

MessagePosté: Mar 16 Nov 2010 12:13
de Giloud31
Je suis les différentes étapes depuis le début et comme je m'en doutais, le sujet est vraiment passionnant et je te remercie Bernard pour toutes tes explications avec autant de détails : c'est super. Le résultat final que je commence à entrevoir sera certainement encore plus "canon" que ce que j'avais pu imaginer...

J'ai néanmoins une petite question. Tu disais :
Je vous confirme qu'il a fallu en passer par un redressage à l'étau en sortie de trempe. J'ai ensuite fait immédiatement le revenu à la forge.

Ca veut dire que tu as redressé la lame après la trempe mais avant le revenu : n'y a t'il pas un gros risque de casse à appliquer des torsions avant le revenu ?

Merci
A bientôt

Re: Sabre yatagan de l'Empire Ottoman : une création de Bernard Delor, coutelier d'art

MessagePosté: Mar 16 Nov 2010 14:14
de BDelor
La technique consiste à faire la trempe, puis ressortir rapidement la lame. On dispose alors de quelques dizaines de secondes pour contrôler et redresser. Mais il faut faire vite, car après, effectivement, c'est la casse assurée !

Re: Sabre yatagan de l'Empire Ottoman : une création de Bernard Delor, coutelier d'art

MessagePosté: Mar 16 Nov 2010 16:23
de BDelor
La mise en forme de l'étui commence par le traçage du logement de la lame sur un bloc de noyer. La forme n'épouse pas exactement le contour de la lame, car il faut ménager un espace suffisant pour permettre à la partie la plus large, de pouvoir coulisser sur toute la longueur.
Le contour extérieur est tracé en tenant compte d'une épaisseur suffisante, ainsi que de la mise en forme de l'extrémité de l'étui où viendra prendre place la bouterolle. Le bloc est découpé selon le contour extérieur, puis refendu dans l'épaisseur pour obtenir les deux demi-planches qui seront ensuite assemblées par collage.
Le logement de la lame est évidé au ciseau à bois et régularisé à la râpe.







Assemblage temporaire des deux parties pour vérifier la mise en place de la lame :





Une fois les ajustages terminés, les parties sont assemblées à la colle à bois :




Il faudra ensuite ménager les évidements permettant la mise en place de la bouterolle et de la sortie de lame, puis réaliser les sculptures décoratives sur toute la longueur de l'étui avant pose du cuir.

Re: Sabre yatagan de l'Empire Ottoman : une création de Bernard Delor, coutelier d'art

MessagePosté: Mar 16 Nov 2010 16:54
de lamoksha
Voilà qui promet ! La lame a une forme magnifique.
Pourrais-tu en deux mots indiquer la raison du choix de la fabrication du fourreau à ce stade de l'avancement du travail - car a priori, le logement de la poignée sera réalisé après l'assemblage - ?
Et à propos du choix de couper une planche en deux plutôt que deux morceaux distincts, est-ce pour retrouver le fil originel du bloc, une fois assemblé ? (Là encore, je fais un peu le candide de service mais ce n'est pas un petit détail sans importance.)