Distinguer une flamme réductrice d'une flamme oxydante dans une forge à gaz


Re: Distinguer une flamme réductrice d'une flamme oxydante dans une forge à gaz

Messagede kurillos » Jeu 30 Sep 2010 18:11

Bonjour tout le monde,

Alors pour vous sortir de l'ornière, déjà une explication de texte : Arrêtez tout, il y a méprise et elle est de taille !

Rappel sur la notion de combustion :
Une flamme est l'écoulement de fluides en combustion. Une combustion est une recombinaison moléculaire fortement exothermique, basée sur les principes de Lavoisier : "Rien ne se perd, rien ne se crée, tout s'échange et se transforme".

Une combustion ne se réalise qu'avec trois facteurs réunis :
- Présence d'un élément carburant : bois, gaz naturel, graisse, hydrocarbure, carbone, hydrogène, sodium... mais aussi fer, et d'une manière générale tout les métaux "brûlent".

- Présence d'un élément comburant : oxygène, soufre, chlore...

- Présence d'une source de chaleur pour la mise à feu : emballage métallique chaud (à partir de 140°C généralement), d'un arc électrique, d'une étincelle, d'une onde radio (le rayonnement micro-ondes d'un téléphone portable dans une station service), frottement (même léger...).

Ces trois constituants sont appelés "triangle du feu".
Supprimer un côté du triangle et la combustion s'arrête d'elle-même.


Une flamme ne peut revêtir que trois états :
- Flamme oxydante : se caractérise d'une flamme avec un excès de comburant. Se caractérise par l'insertion d'oxydes (ou de chlorures, nitrures, sulfures) d'un métal donné, si un métal est chauffé et confronté à cette flamme.

- Flamme carburante : se caractérise d'une flamme avec un excès de carburant. Se caractérise par un dépôt (ou l'insertion lente par diffusion à partir de la surface) de carburant résiduel, appelé imbrûlé. Dans notre cas, c'est souvent une couche de résidus à haute teneur en carbone : noir de fumée (carbone pur, cas d'une combustion d'une graisse ou d'une "grosse molécule d'hydrocarbure : naphta, paraffines, goudrons). Une flamme laissant échapper une traînée noire (ou d'imbrûlés) est qualifiée de flamme fuligineuse. Elle génère des suies.
Mais on peut aussi avoir des hydrures si la flamme est faite avec la combustion d'hydrogène brûlant en excès.

- Flamme réductrice : cela se caractérise par une flamme qui est dotée d'un excès d'élément réducteur. Un élément réducteur est un élément chimique qui n'a pas réagi (recombiné) ni avec le carburant, ni réagi (recombiné) avec le comburant.
Une flamme réductrice apporte des calories ET un élément chimique instable, qui ne demande qu'à réagir TRES VITE avec la matière environnante.

Exemple :
Si on prend le cas d'un acier effervescent, il s'agit d'aciers qui ont dissous de l'oxygène. Le chauffage de ce genre d'acier génère des bulles qui finissent par crever la surface de l'acier, ces bulles de gaz (nommées soufflures quand le métal est solide, donc suffisamment froid) sont du CO2 : l'oxygène dissous a réagi avec le carbone lui-même dissous dans cet acier; la formation de soufflures et la décarburation rend la zone chauffée très dangereuse d'emploi.

Si on prend le cas d'une flamme constituée d'hydrogène et d'oxygène, cette flamme blanche, presque invisible peut s'avérer "neutre". On dit que les constituants de cette combustion sont réglés en proportion stœchiométrique : à la fin de la réaction chimique (qui se traduit par un bilan fortement exothermique (production d'énergie : calories), il n'y a pas d'oxygène ou d'hydrogène résiduel observé.
Dans la pratique, une flamme n'est jamais neutre car elle se décompose en plusieurs fronts où des réactions chimiques intermédiaires peuvent apparaître, et le réglage est toujours fluctuant : l'élévation de température peut induire un déréglage des débits, la pression des comburants et carburants peut varier entre le début et la fin de la chauffe, etc...

Mais si l'on donne plus d'hydrogène que d'oxygène, on a une flamme réductrice : en plus d'apporter de l'énergie (chauffe jusqu'à la fusion d'un barreau d'acier, par exemple); l'hydrogène en excès DOIT réagir avec ce qui se présente à lui. C'est ainsi que l'on fait d'excellentes soudures d'aciers effervescents avec une flamme oxhydrique.

Seulement, stocker de l'hydrogène est très dangereux et vain.
- Très dangereux car il faut très peu d'énergie extérieure pour faire exploser le récipient et son contenu très réactif,
- Vain parce l'hydrogène ne se stocke pas ou très mal,
- C'est un élément très léger, le plus simple qui soit : difficile de stocker un gaz aussi léger et évanescent.

1. - Étant très réactif, il n'existe pas à l'état "disponible" dans la nature, il faut le fabriquer et il faut beaucoup d'énergie.
2. - Si on le stocke à pression atmosphérique, "avoir" 1 kg d'hydrogène demande un volume ÉNORME : avec une masse volumique de 0,08988 gramme par litre, 1 kilo d'hydrogène à pression atmosphérique normale demande un réservoir de 11125 litres, soit plus de 11 m3 !
3. - Si on le stocke par voie liquide, il faut le refroidir à (au moins) -253°C, et dépenser une énergie colossale pour son maintien à basse température, sinon on fait exploser le tanker cryogénique.
4. - Si on le stocke à température ambiante et sous haute pression (de 100 à 800 bars), l'hydrogène passe au travers des métaux, même si le robinet de la bouteille (métallique, pour résister à la pression) reste fermé.

Voilà pourquoi les chalumeaux oxhydriques sont rares et que les voitures à hydrogène ne sont pas près d'exister.


La seule flamme réductrice qui existe à moindre frais, c'est la flamme oxyacétylénique : la combustion de l'oxygène O2 dans l'acétylène C2H2 provoque un dégagement extrêmement intense d'énergie calorifique, la température de combustion grimpe à 3180°C, c'est la température la plus élevée que l'on peut atteindre par combustion.

Mais comme je l'expliquais plus haut, la combustion de la flamme oxyacétylénique se fait en plusieurs fronts.

A l'extrémité du dard lumineux de couleur bleue, il y a pendant quelques millisecondes un excès local d'hydrogène. Comme la flamme est continue dans la durée, chauffer une pièce avec le dard de la flamme oxyacétylénique permet outre de chauffer la pièce, de la décrasser, de la purifier.
C'est la seule flamme capable de cette propriété remarquable et c'est ce qui fait et fera de l'acétylène un gaz stratégique et irremplaçable. Seule l'oxyacétylène permet de souder les métaux : aciers, inoxydables, certains aluminiums, les cuivreux.


Et c'est ce qui fait que cette forge à gaz sera soit oxydante, soit "neutre", soit carburante, et jamais rien d'autre.
Quand je dis "neutre", j'entends que l'équilibre est satisfaisant pour générer un léger déséquilibre dans un sens ou dans un autre, et que la dégradation du métal prendra plus de temps que celui nécessaire à la chauffe.


Alors, pourquoi parle t'on de la réduction du minerai ?

Ça n'a strictement rien à voir.
L'opération de réduction d'un minerai consiste à retirer les impuretés du minerai brut (soufre, phosphore, mais surtout l'oxygène des oxydes métalliques) PAR DU CARBONE.
Quand on a "fini" de désoxyder le minerai, on se retrouve toujours avec du soufre et du phosphore. Et beaucoup de carbone : on obtient des fontes infâmes !

Comme les gens en avaient marre de perdre leurs proches par familles entières dans des écroulements de ponts, des déraillements de trains et des naufrage de Titanics, les métallurgistes ont purifiés les fontes avec des convertisseurs Bessemer pour faire des aciers en masse (nettement moins dangereux et imprévisibles que les fontes) en faisant réagir le carbone en excès des fontes, le soufre et le phosphore du Titanic et de toutes les autres catastrophes ...avec de l'oxygène.
D'où formation de : monoxyde de carbone, CO2, phosphates, SO2, ..., ...; qui partent dans le laitier) et par l'usage du manganèse (qui forme du sulfure de manganèse, qui part aussi dans le laitier).
Mais de tels aciers convertis à l'oxygène en contiennent toujours (de l'oxygène !) ils sont dits effervescents.

Et quand les soudeurs et les capitaines d'industrie en ont eu marre d'avoir à travailler avec des aspirines, les métallurgistes ont désoxydés les fontes et aciers "sauvages" à grand coups d'aluminium et de silicium.

Et aujourd'hui, tout le monde est content.
Ou presque.

Lamoksha, le tube que tu nous montres en photo aurait dû te mettre la puce à l'oreille.
Ce tube a été mangé par l'oxygène, comme avec l'oxycoupage. Lavoisier avait démontré que le fer brûle violemment dans l'oxygène pur.
Ici, ta forge fonctionne avec un mélange trop pauvre, il y beaucoup trop d'air, c'est pour ça que tu consommais 500 grammes de gaz par heure, et que tu as le même rendement avec 100 gr./h en ayant réglé ton arrivée d'air.

BDelor n'a pas le problème de décarburation en surface car sa flamme jaune est légèrement carburante. Le carbone diffuse très lentement dans l'acier, si celui-ci est à basse température. Mais il diffuse de plus en plus vite avec l'élévation de température.

J'avais lu qu'à 1000°C le carbone diffuse dans l'acier à la vitesse de 0.8 mm/heure : c'est la raison d'être du traitement de cémentation. Pour des atomes plus gros comme le molybdène, il faut 1,6 année pour se déplacer de 1 mm dans de l'acier à 1040°C; et 2600 ans dans de l'acier à 820°C !
Source : http://coustil.free.fr/metal_diffusion_fr.html

Donc il te faudra arriver à un point de réglage de ta forge où une légère diminution de l'arrivée d'air dit faire passer ta flamme du bleu au jaune : ce point de réglage sera ton point d'équilibre. Il te faudra travailler dans une atmosphère légèrement carburante.

Pour information, je compte employer une "sonde lambda" pour moteurs essence, et détourner son usage pour mesurer moi-même l'allure générale de la combustion, par simple recueil des gaz d'échappement. Il y a juste une petite platine électronique à monter, je prévois l'étalonnage en laboratoire avec un système de comptage assez simple.
Le but étant de faire varier précisément la teneur en oxygène avec un oxygénomètre, tel qu'employé par les personnes intervenants en milieux périlleux : grottes, arsenaux, sites chimiques, sites pétrochimiques, égouts.

Le but étant de mesurer la tension de sortie de la sonde lambda, qui ne fait que quelques millivolts, et de corréler cette faible tension avec la teneur en oxygène résiduelle. En inondant la sonde de CO2 pur ou d'azote de haute pureté, j'aurai atteint une valeur seuil.
La sonde lambda est un composant très précis; j'espère pouvoir vous diffuser l'information sous peu.

Bien à vous tous.
kurillos
 
Messages: 105
Inscription: Dim 4 Juil 2010 23:29

Re: Distinguer une flamme réductrice d'une flamme oxydante dans une forge à gaz

Messagede marktwo » Lun 1 Nov 2010 18:56

Ca pour une explication, c'est une explication ! Il faut presque avoir fait Math sup pour tout comprendre. (Je plaisante.)
Il me semble que la couleur de la flamme change au fur et à mesure que le four chauffe et il faut ajuster au fur et à mesure : j'ai transformé un vieux four électrique en four à gaz en perçant le fond ; et j'ai mis un bruleur gaz /air comprimé de chez Sargi (je crois que c'est ce nom). Pourquoi j'ai percé le fond : c'est simple, quand j'ai une pièce longue, j'ouvre la porte d'origine.
Ca fonctionne bien, j'ai un mano de réglage sur le propane et un sur l'air, plus les robinets sur bruleur. Je joue avec tout ça et au bout d'un moment je baisse beaucoup mes pressions car mon four a une bonne inertie.
Avatar de l’utilisateur
marktwo
 
Messages: 14
Inscription: Lun 3 Aoû 2009 19:26
Localisation: allier

Distinguer une flamme réductrice d'une flamme oxydante dans une forge à gaz

Si vous trouvez ce sujet interessant, partagez-le sur vos reseaux sociaux favoris :

Lectures recommandées sur ce thème


Qui est en ligne

Utilisateurs parcourant ce forum: Aucun utilisateur enregistré et 4 invités