Réalisation d'un katana en damas câble

[Viruce delaforge]

Et voilà, les vacances sont finies, j'ai remis la forge en route cet après-midi pour commencer à former les lopins de damas câble qui me serviront à réaliser une lame de katana (enfin si toutefois la culture nipponne me permet de la nommer ainsi car la méthode n'est pas du tout traditionnelle).
Désolé pour la répétition des opérations. Donc, la première étape : comme pour l'épée, j'ai réalisé une trousse avec 5 brins de câble (dégraissés et torsadés à chaud) :

Attention aux câbles galvanisés : à haute température, il vaut mieux sortir de la pièce le temps que la fumée se dissipe.

La trousse est enfin soudée à la forge...

...et forgée pour obtenir un beau lopin plat et rectangulaire.

Je réalise ensuite la même barre en acier homogène (XC100) qui sera mon futur tranchant.

Un petit coup de meule et de perchlorure pour me faire une idée du dessin du damas :

Voici le travail réalisé cet après-midi, ce qui nous amène environ à la dixième heure de forge.

La seconde trousse de câble est soudée et forgée pour être à la bonne dimension, ce qui me permet de finir d'assembler mon nouveau lopin composé d'une âme en XC100 et de ses deux flancs en damas.

Me voici prêt pour la dernière soudure.

Et enfin il ne me reste plus qu'à étirer tout ça, pas forcement la partie la plus simple sur un lopin de 5cm par 5cm, sans marteau pilon. Heureusement ma chérie m'a aidé en prenant la place du maître et moi celle de l'arpet à la masse.

Je finis donc cette journée avec un plat de 66cm x1cm.

Une petite vérification s'impose : un petit coup de disqueuse et de perchlorure pour être sûr que l'âme est toujours centrée.

[Viruce delaforge]

Donc voilà de nouveau quelques heures passées sur la lame. Je l'étire doucement tout en formant le biseau du tranchant et en affinant les flancs. J'en suis donc à environ 16 heures pour une dimension de 93 cm par 3 cm et 9 mm d'épaisseur.

18ème heure, j'étire et affine de plus en plus doucement. Mon tranchant fait maintenant 2 mm d'épaisseur. J'ai 75 cm de lame et l'ébauche de la soie (la longueur totale a dépassé le mètre, donc je suis tranquille).

Pour les puristes qui sont déjà en train de bouillonner, je sais : la courbure se fait traditionnellement lors de la trempe à l'eau et à l'argile, mais je n'ai pas encore le courage de risquer de tout perdre.
J'ai débarrassé la lame de toute la calamine et des petites imperfections de forge ; une légère révélation au perchlorure permet de contrôler que le tranchant est toujours bien centré.

Ça me permet de me faire une idée du dessin par la même occasion.

Je peux m'occuper maintenant de la soie qui est encore trop massive. Elle repasse donc sur l'enclume pour l'affiner et l'étirer, avec l'espoir secret de dégager suffisamment de matière pour pouvoir forger un ko gatana dans le même damas.
La voici donc brute de forge :

Il me reste donc à finir de la mettre en forme à la ponceuse et à la lime.

Et comme prévu, en prime, la petite lame du go katana est née du surplus de métal.

Les lames sont donc prêtes à recevoir le traitement thermique.
Après quatre chaudes de normalisation par lame, elles sont trempées verticalement dans l'huile. Je teste la dureté après la trempe avec une bonne lime : résultat super, impossible de rayer l'acier.
Évidemment, elles sont de nouveau couvertes de calamine.

Il faut donc les "blanchir" (remettre l'acier à nu) afin de pouvoir lire correctement la couleur de revenu.
Pour conserver un maximum de dureté au niveau du tranchant, je réalise un revenu sélectif au chalumeau sur le dos de ma lame. Le dos est chauffé jusqu'à la "couleur d'eau" à "bleu" et le tranchant à un "jaune foncé".

Je profite de la chaleur du revenu pour redresser la lame qui s'est un peu voilée pendant la trempe (moment de stress maximum, car il y a un risque de casse important).
Et voilà, tout ceci nous amène environ à la 28ème heure de travail et une bonne brûlure.
Bonne soirée à tous.

[cardoso5fr]

Superbe travail. N'aurait-il pas été plus simple de demander au boulanger du coin de pouvoir utiliser son four pour faire un revenu complet identique ? Même si le revenu sélectif en soi ne me dérange nullement sur ce genre de lame, vu qu'on a déjà vite fait de dépasser la couleur souhaitée sur une lame de pliant, sur une lame de cette taille, j'imagine que le chalumeau doit se balader rapidement pour ne pas surchauffer une partie en particulier.

Travailles-tu au backstand pour blanchir la lame, ou simplement à la ponceuse, la lame dans ton étau ?

Tu as bien fait de préciser pour la courbure, cela aurait été mon premier commentaire, et pourtant je ne suis pas un puriste.

[Viruce delaforge]

En effet le boulanger est une bonne solution. Ça permet un revenu plus long qui pénètre bien, mais pas le choix : toute la lame y passe. Ici j'ai choisi le revenu sélectif car il conserve une grande dureté au niveau du tranchant, ce qui est recherché sur ce type de lame.
Pour le chalumeau, en fait le terme exact c'est lampe à souder. La température monte assez doucement surtout avec 7 mm d'épaisseur.
Et malheureusement le pseudo backstand que j'ai bricolé n'a pas la puissance nécessaire pour ce type de travaux. J'ai donc monté un disque de ponçage sur une meuleuse. Vraiment pas l'idéal, mais faute de mieux on se débrouille avec les moyens du bord.
Pour la courbure je prie encore une fois les 2000 ans d'histoire du sabre japonais de me pardonner, mais il faut connaître les limites de ses compétences. Grâce à l'expérience de cette lame je pourrai sans doute tenter la trempe traditionnelle sur la prochaine. C'est quand même plus romantique et la courbe doit être plus fluide et esthétique.

[Viruce delaforge]

38ème heure, je ponce toujours, le but étant d'obtenir des surfaces planes sur les six faces de la lame. Je n'ai pas d'autre moyen que de travailler à la main (long mais assez précis).

Maintenant que les deux lames sont très proches de leurs cotes finales je réalise les habaki en cire d'abeille en vue d'un moulage à la cire perdue.

C'est évidement très grossier. Ce qui compte c'est d'avoir la forme parfaite de la soie et assez de matière pour former la future pièce.

[Viruce delaforge]

J'en ai donc fini de la mise en forme de la lame au papier 80 et 120.
41ème heure de travail, je vais commencer le polissage mais juste avant je révèle légèrement pour avoir une idée du rendu final. Je vous propose de parcourir la lame dans cette petite vidéo sans prétention :

[Karahorn]

38ème heure, je ponce toujours, le but étant d'obtenir des surfaces planes sur les six faces de la lame.

Excusez ma bêtise, mais quelles sont les six faces de la lame ? Je n'en vois que cinq : deux flancs de la lame, deux pour le biseau du tranchant, une sur le "dos" de la lame et... ?

En tout cas, beau boulot !

[Viruce delaforge]

Il y a en fait deux faces sur le dos de la lame qui a une forme de ^
Mais ne t'en fait pas, il n'y a pas de mauvaises questions.

[Daniel]

Bonjour,
ma question porte sur choix des aciers : pourquoi avoir choisi un damas de câble ?
Est-ce pour des raisons pratiques, esthétiques, de coût ?
Est-ce un choix répandu pour réaliser ce type de travail ?
Merci.

[Viruce delaforge]

Bonsoir.
J'ai choisi le damas câble pour plusieurs raisons.
La première, c'est un damas que je sais faire donc ça fait un souci de moins. Ensuite en effet, le prix avec de bons contacts est hors concurrence vu que ce bout était destiné à la ferraille (3.5 mètres). Un autre avantage de ce câble (ce qui n'est pas valable pour tous) : il est composé de 50 % de fer et 50 % d'acier, ce qui après la trempe, lui donne une structure composite très souple mais pas suffisamment aciérée pour avoir un bon tranchant d'où le sandwich en XC100.
Et enfin évidement pour l’esthétique toute particulière à ce type de damas que j'aime beaucoup.
J'ai oublié un point important aussi, le côté recyclage qui était pratiqué il y a déjà fort longtemps lorsque le fer et l'acier étaient au moins aussi précieux que l'or...