Recuit de l'inox forgé : traitement thermique de clous forgés


Recuit de l'inox forgé : traitement thermique de clous forgés

Messagede au gilet rouge » Mar 28 Sep 2010 12:53

Bonjour,

quelqu'un peut-il me conseiller un traitement thermique pour recuire des clous forgés en inox 304 ? Ceci dans le but de pouvoir les retourner lors du montage sur les menuiseries.

Merci par avance.
au gilet rouge
 
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Re: Recuit de l'inox forgé : traitement thermique de clous forgés

Messagede kurillos » Mar 28 Sep 2010 16:39

Bonjour,

En ce qui concerne le recuit des aciers inox de la série 304 / 316, il convient d'être très prudent.
Ces aciers ont un coefficient d'allongement de 50 à 60 %. Ils sont très ductiles, même à froid.
Un acier doux de construction courant à une valeur d'allongement de 23% typique : une barre de 1 mètre cassera à 1.23 m, si elle est en acier doux, à +20°C.
Un acier doux peut être cassant, un inox de la série 300 est TOUJOURS ductile, même à basse température.
Faire un recuit sur des clous me surprend beaucoup, mais bon. Sont-ils très longs ?

- L'inox est un TRES mauvais conducteur de la chaleur, il ne faut pas traiter toute la longueur du clou pour le recuit, sinon il ne va plus s'enfoncer, mais se tordre sous le 1er choc reçu. Ne traiter que la partie la plus utile, et pour ce cas précis, un avant-trou ne me semble pas superflu, car la pointe va s'écraser comme de la guimauve.
D'un autre côté, si le clou à été forgé "à l'ancienne" dans une cloutière, il sera déjà dans un état proche du recuit.

- Il ne faut pas apporter de carbone à ces inox ; sinon ils vont se corroder par corrosion intergranulaire. Il faut employer une forge à gaz, ou avec du charbon de bois et une flamme douce. Un inox 304L ou 316L ne contient que 0.02% de carbone, on a des gros problèmes de tenue à la corrosion à partir de 0.05%. Sinon, il faut employer un inox stabilisé au titane ou au niobium (316Ti, 316Nb).

- L'opération de recuit commence vers 500-550°C. Ne pas excéder cette valeur. La durée de chauffe ne devra pas excéder 1 minute. On peut même utiliser une torche TiG pour cette opération.

- Après avoir chauffé, on finalise le recuit par une opération d'hypertrempe : on plonge immédiatement l'objet encore brûlant/rougeoyant dans de l'eau froide. Ce traitement de choc ne lui fera aucun mal, l'inox de la série AISI 300 ne peut pas durcir par trempage, il ne change pas de phases contrairement à l'acier. L'hypertrempe permet juste de ne pas grossir les grains et d'éviter au maximum la formation de précipités "à problèmes".

- Pour garantir une résistance à l'oxydation effective, il faut passiver l'inox après toute chauffe ou soudage/forgeage par un traitement à l'acide fluoronitrique. Ne pas faire cette opération, c'est faire rouiller l'inox à tout les coups, par la seule humidité atmosphérique.
Cet acide très puissant dissous tout les oxydes (il bouffe même le verre !).

Il doit être mis en œuvre au pinceau, avec des bacs en Téflon, c'est le seul plastique qui résiste bien.
Il faut manipuler cet acide (fourni en pâte) avec d'extrêmes précautions, les vapeurs sont toxiques, les brûlures (qui se poursuivent pendant plusieurs jours) engendrent des nécroses très profondes, jusqu'à l'os qu'il attaque également.

En cas de brûlures sur une surface corporelle importante (de l'ordre de 50 cm², parfois moins) on meurt rapidement par arrêt cardiaque : l'acide fluorhydrique a réagi avec le calcium sanguin, il provoque une hypocalcémie et c'est la fin des haricots.
On désactive l'acide par des produits contenant du calcium en excès : calcaire, chaux éteinte.

Il faut TOUJOURS avoir près de soi et chez soi du gluconate de calcium :
- en suspension buvable,
- en soluté hypertonique pour intraveineuse
- en gel pour application cutanée.
Ce produit n'est pas cher, mais il est très douloureux par injection, il faut perfuser lentement.
Tout les hôpitaux en possèdent, mais c'est dommage de ne pas arrêter au plus vite la propagation de l'acide dans le corps, car l'ion F- pénètre très vite dans les tissus.

Je recommande chaudement une combinaison intégrale avec respirateur autonome (un masque filtrant ne retient pas les vapeurs très nocives d'hexafluorure de silicium, cela ne sert à rien).
Il faut employer des combinaisons étanches, munies de gants et de bottes spécifiquement résistantes à l'action de l'HF, typiquement c'est du matériel conçu pour résister à des armes de guerre chimique :
- sarin,
- soman,
- tabun,
- neurotoxique VX,
- lewisite,
- ypérite,
- phosgène,
- gaz moutardes...
Je me suis trouvé une combinaison de ce type pour un prix correct, elle permet un contact avec l'acide fluorhydrique concentré à 70% pendant au moins 540 minutes.
Les gants de cette combinaison sont de la classe III : ils sont conçus pour protéger l'utilisateur de risques irréversibles.

Lors du retrait de la combinaison, il faut (se) laver la combinaison avant de la retirer, avec de l'eau de chaux : les poils du pinceau peuvent projeter des traces d'acide gélifié, il serait très dommage de se brûler en retirant la protection.

Pour information, j'ai fait des tests de corrosion sur des aciers inox (austénitique 316LMo, duplex 904L, ferritique 4509); où après soudure j'ai procédé à un polissage soigneux au grain de 600.
Et bien ça rouille quand même, et pour tout les échantillons !

Certains ont employé des gants pour usages chimiques "standards"; et s'en sont "mordus les doigts" après s'être brûlés.
D'autres manipulent ce produit sans même connaître ses dangers intrinsèques...

Le plus gênant avec cet acide, c'est que la peau blanchit en une dizaine de minutes, on commence à avoir (très !) mal que quelques heures après le contact, quand les nerfs brûlés "picotent" !
Et là il est trop tard, c'est un coup à perdre des doigts (au minimum).
L'acide fluorhydrique est connu et employé par nombres d'artisans (surtout verriers) depuis le XVème siècle. Ils ne devaient pas vivre très longtemps...

Tu peux toujours essayer de polir chaque clou après l'hypertrempe, mais le résultat n'est pas garanti.

Il faut absolument bannir la présence d'ions chlorure, car à partir de 50 ppm de concentration, un inox type 316L se fissure en profondeur.

Il faut de plus savoir qu'un acier inoxydable peut se "corroder" (dans le sens d'être dissous, littéralement) beaucoup plus vite qu'un acier ordinaire. Tout dépend du milieu ...et du soin apporté à la réalisation d'articles en inox.

NB : l'inox craint également la "pollution ferritique" : tout contact avec de l'acier ordinaire le fait rouiller, l'inox se pique puis se fait attaquer. Les projections de meuleuse sont suffisantes pour massacrer une/des pièce(s) en inox : tôles, tubes, fils...
La seule possibilité d'arrêter une contamination ferritique, c'est le mélange d'acides cité plus haut.
Ces acides attaquent l'inox et le mette à nu : si l'état de surface est correct, une couche très fine et invisible d'oxyde de chrome fera une maigre (mais efficace) barrière à la corrosion. Voilà pourquoi il faut polir les pièces.

Ne pas tenir compte de ces règles de l'art mène droit aux sentiers de la corrosion.
Voilà ce que je peux en dire.
Salutations.
Dernière édition par kurillos le Mar 28 Sep 2010 17:36, édité 1 fois.
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Re: Recuit de l'inox forgé : traitement thermique de clous forgés

Messagede au gilet rouge » Mar 28 Sep 2010 17:13

Merci pour toutes ces précisions.
Je vais les relire attentivement et d'autres questions me viendront, j'en suis sûr
Il y a bien des avant trous pour ce type de pose. Et en artisan qui se respecte avant de poser la question, j'ai fait quelques essais et constaté la grande ductilité du 304.
Maintenant je vais chercher à comprendre et à régler la question de la passivation.

Salutations
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Re: Recuit de l'inox forgé : traitement thermique de clous forgés

Messagede kurillos » Mar 28 Sep 2010 17:23

Bonjour,

Pour la passivation, il faut imaginer que ce mélange d'acides fait "table rase", et que si l'état de surface est compatible, la couche de dioxyde de chrome CrO2 peut alors se reformer dans son intégralité.

Car cette couche invisible et très mince (quelques angströms) est vraiment malmenée lors des traitements thermiques : forge, soudure, mais aussi cintrage : en déformant la pièce, même à froid, on peut briser cette couche.

>> On a pu observer dans des centrales nucléaires des épingles en Inconel 625 (très résistant à la corrosion) se corroder "sous tension" car du fait de leur cintrage en "U", la zone la plus étirée (extrados) se voyait constamment micro-craquelée sous les tensions résiduelles. Là, l'acide fluoronitrique ne sert à rien dans ce cas, c'est comme une peau tendue qui se déchire sous les coups de scalpel. Résultat : remplacement des épingles sur les générateurs de vapeur.

Si tu désires en apprendre davantage sur les équipements de protection pour mettre en œuvre ce mélange corrosif, envoie-moi un mp.
Car détenir des protections chimiques n'est pas "évident" en soi. Surtout avec le contexte actuel.

Bien à toi.
kurillos
 
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