Bonsoir à tous,
je voulais apporter une petite précision sur l'appellation "damas" :
tout d'abord d'un point de vue historique l'appellation "damas" pour les aciers que nous utilisons ou produisons est effectivement non conforme. Je m'explique : le nom acier damas provient du wootz , acier produit en Inde et diffusé dans le moyen orient et les pays de l'Est. Cet acier était vendu sur la plateforme qu'était la ville de Damas. C'est un acier de cristallisation obtenue par "fusion" dans de petit lingots. Lors de son travail, l'on obtenait différents dessins rappelant le damas actuel dont le plus célèbre était probablement l'échelle de Mahomet.
Cet acier de très grande qualité a cessé d'être fabriqué jusque dans les années 70 où Al Pendray l'a redécouvert et refabriqué. Parler du wootz prendrait des heures, je vais donc me cantonner au "damas ".
Au début de la métallurgie était le bas fourneau. Quelle que soit la civilisation pour produire de l'acier, il fallait en passer par cette étape. Du bas fourneau l'on obtient une loupe plus ou moins grosse suivant les techniques utilisées : de quelques kgs à plusieurs centaines mais avec toujours la même caractéristique : c'est un mélange de fer, d'acier, de fonte et de fondant (silice).
pour obtenir un bloc d'acier de qualité, il faut homogénéiser l'ensemble : on "brise" la loupe, on sépare les différents composants, on les organise sous forme de trousse ; et à la forge, on soude l'ensemble de manière a obtenir un bloc d'acier corroyé.
Toutes les civilisations ont utilisé ce procédé (il n'y en avait d'ailleurs pas d'autre hormis le wootz). Les danois (Viking) sont passés maîtres dans l'art du damas à motif : on a retrouvé des épées qui une fois passées aux rayons x avaient des dessins d'une incroyable complexité. Les forgerons japonais ont eux totalement occulté le dessin pour ne privilégier que les qualités de l'acier. Cela donne des sabres dont les blocs de départ sont composés de plusieurs pains de différentes compositions de plusieurs milliers de couches. La trempe en elle même avait autant d'importance que la réalisation de l'acier (trempe sélective ou ligne de trempe, hamon).
Les indiens, en parallèle aux wootz, pratiquaient aussi le "damas" entre autre un motif en chevrons très réputé. Enfin les malais fabriquaient un damas très particulier pour leurs kriss : le pamor, cet acier de corroyage était obtenu avec du fer pur et du fer météoritique (présence de nickel) : l'acier ainsi obtenu n'était pas d'une grande qualité pour cause d'absence de carbone mais cela était compensé par le fait que les lames étaient toutes empoisonnées. Encore aujourd'hui, il est coutume d'être méfiant en manipulant un kriss car le poison a la réputation d'être toujours présent sur la lame.
Dans le Moyen-Orient, les Arabes ont fabriqué de magnifiques sabres avec le wootz acheté à Damas.
Les africains étaient de très bons métallurgistes (voir la vidéo INAGINA) et pratiquaient couramment l'acier de corroyage.
En France, cet acier a toujours été utilisé (prenez un bandage de roue de charrette ancien, polissez le, passez-le au perchlo et vous verrez apparaitre la texture d'un corroyage, celui ci n'étant pas très flagrant puisque pour ce genre d'ustensile l'apport de carbone ne présente pas un grand intérêt).
C''est la coutellerie, et plus particulièrement Henri Viallon, qui a réintroduit le damas en France fin 70.
Fabriquer une trousse puis la souder au feu, c'est fabriquer un acier corroyé appelé "damas" ; ce n'est pas le bon terme mais c'est celui qui est passé dans le vocabulaire, un peu comme le frigo .
Voila, voila : j'espère avoir été clair et concis mais c'est un vaste, très vaste sujet (les canons de fusils en damas, le wootz expérimenté sous Louis XV ou Louis XVI que les forgerons du Roi n'ont pas su forger et ont classé a tort comme acier impropre : ils ne savaient pas que le wootz perd ses propriétés si on le forge au delà d'une certaine température...) .
A pluche.