Re: Ethique du restaurateur de ferronnerie
de cuprite » Jeu 20 Jan 2011 14:46
Bonjour.
Pourrais-tu nous indiquer la nature de ton travail sur la restauration?
1) Pourquoi? : Pour comprendre les objets anciens, comment ils sont fabriqués, utilisés, réparés, quelles sont les techniques et technologies mises en oeuvre, pour s'étonner chaque fois sur les choix de matériaux et leur mise en oeuvre, pour retrouver la trace de la main de ou des artisans, ses particularités, ses outils, le processus de mise en oeuvre, pour tenir entre ses mains un objet qui a été utilisé par des hommes et des femmes il y a 10, 100, 1 000, 10 000 ans, pour se rendre compte que cet objet a traversé l'Histoire et qu'il en porte l'histoire.
2) Comment? : Qu'appelles-tu l'aspect administratif? Pour ma part, travaillant sur des pièces archéologiques, je m'abstiens de faire ou refaire des éléments dont je n'ai pas trace documentée sur l'objet, mais tout en rendant l'objet compréhensible par les professionnels et le public qui serait amené à le voir, cela se traduit par refaire des parties manquantes lorsque c'est mécaniquement nécessaire, mais laisser des trous lorsque l'objet est suffisamment solide pour les supporter (par exemple). La restauration doit se distinguer sans ambiguïté de l'original, sans prendre une place trop visible : c'est l'objet qui importe, pas notre travail. L'utilisation des produits synthétiques (résines, fibre de verre, plexiglass, tubes de carbone) permet de rendre les supports structurels de plus en plus discrets tout en étant très résistants et facilement réversibles. Les produits et les techniques utilisés devraient être entièrement réversibles, mais en pratique, lorsque je fais une imprégnation sous vide de résine d'un objets entièrement creux et sans aucune tenue mécanique propre, je sais que, même si la résine reste soluble, son élimination entraînerait l'effondrement de l'objet sur lui-même. De même, lorsque j'élimine de la corrosion par abrasion; je me vois mal la remettre en place. Je m'applique plutôt à utiliser des produits dont je connais le vieillissement (du moins en théorie) et qui ne s'altéreront pas en répandant des produits nocifs pour le reste de l'objet. Théoriquement, j'essaie d'intervenir au minimum sur l'objet pour privilégier le contrôle de son environnement pour sa conservation, mais il y a des informations qu'il faut dégager à la fraise diamantée si on veut y comprendre quelque-chose ou présenter l'objet au public. Lorsque l'objet sort de mon atelier, je m'assure qu'il sera conservé dans de bonne conditions pour assurer sa pérennité, soit en lui confectionnant un emballage à humidité relative contrôlée, soit en donnant toutes les directives pour que son milieu environnant soit apte à sa conservation. Enfin, toutes les interventions réalisées, les produits utilisés et les observations faites sur l'objet au cours du travail sont consignés dans un rapport remis en même temps que l'objet et supposé le suivre au cours de sa vie.
Voilà, ce qui me vient spontanément à l'esprit pour répondre à tes questions, peut-être encore quelques idées à venir avec un peu de réflexion...