Comment Saint-Pierre rabattit l'orgueil de Saint-Eloi (Légende Française (franche-Comté)http://pagesperso-orange.fr/contesdumon ... nteloi.htmEloi était un forgeron fort habile. On venait de loin pour lui confier les travaux les plus difficiles. Il en devint, hélas ! très orgueilleux et écrivit en lettres d’or sur son enseigne :
Dieu en fut fort fâché et décida de punir le glorieux et de détruire son enseigne par la foudre. Saint Pierre intervint :
Il n’est pas méchant, au fond ! Regardez : en ce moment, il est en train de méditer sur les évangiles. Si vous permettez, je vais simplement lui donner une leçon d’humilité.
Et c’est ainsi que saint Pierre, avec la permission de Dieu, descendit sur terre, sous la forme d’un jeune homme, après avoir dit, en passant, quelques mots à Saint-Georges. Il arriva devant la forge d’Eloi tandis qu’il terminait un fer à cheval.
Qu’attends-tu là, jeune homme ?
Maître, répondit saint Pierre (mais nul ne savait que c’était saint Pierre), j’achève mon tour de France. Je ne voulais pas rentrer chez nous sans avoir travaillé pour vous.
Jeune homme, as-tu lu mon enseigne ?
Oh ! oui, je l’ai lue.
Tu sais alors qu’il n’y a pas sur terre meilleur forgeron que moi.
C’est à la forge qu’on voit le forgeron.
Soit, dit Eloi. Forge-moi ce fer à cheval. Mais sache qu’il suffit de trois chaudes pour en faire un aussi beau que celui-ci.
Il lui montra celui qu’il venait de fabriquer.
Il me semble, fit doucement saint Pierre, qu’on doit pouvoir faire aussi bien avec une seule chaude.
Eloi de se gausser :
Tu me sembles bien sûr de toi, jeune homme ! Mais fais. Je te regarde. Si tu ne réussis pas, tu n’auras pas intérêt à trop traîner par ici.
Saint Pierre (on ne savait pas que c’était lui) prit une barre de métal. Un compagnon tira le soufflet. Le fer passa aussitôt au blanc. Le saint s’en saisit et, en quelques instants, présentait à Eloi une pièce admirable, plus parfaite encore que celle qu’il tenait encore en main.
Eloi la prend, la tourne et la retourne : pas le moindre défaut. Il se précipite sur un marteau et brise l’enseigne de son orgueil, la jette au feu et se retire dans sa chambre. La leçon avait été efficace. Saint Pierre aurait pu s’en aller. Il n’en fait rien, car il voulait lui en donner une seconde.
Survint un homme avec son cheval à ferrer. Eloi descendit.
Maître, dit saint Pierre (on ne savait toujours pas qui il était vraiment), je ne fais pas comme vous. Je ferre seul et sans mettre la bête au travail. Voulez-vous me laisser faire ?
Eloi accepta. Saint Pierre tira tranquillement un couteau de sa poche, coupa d’un coup net de sabot de la bête, posa le fer et recolla sans mot dire le sabot à la patte. Les assistants, à commencer par Eloi, en restaient pantois.
Le lendemain matin, saint Pierre demande la permission de s’absenter pour assister à la messe. Eloi accepte. Peu après, arrive un chevalier (C’était saint Georges mais ne pouvait le deviner) monté sur un magnifique cheval qui avait perdu l’un de ses fers.
Je suis messager du roi. Je suis très pressé. Je ne peux attendre que six minutes.
Eloi aurait bien voulu que son nouveau compagnon fût là et répétât l’opération de la veille, mais il eût fallu plus de six minutes pour aller le chercher à l’église. Il se dit que, maître expérimenté, il n’était pas plus bête que ce jeune homme et qu’il pouvait, somme toute, faire aussi bien que lui. Il prit un couteau, coupa le sabot. Le sang se mit à couler à grands jets, arrosant la forge. Le cheval, affolé, ruait, puis se roulait à terre en hennissant douloureusement.
Le soi-disant messager du roi, qui était parti entre-temps boire un pot à la taverne voisine, revint et cria au scandale :
Je vous donne un cheval pour le ferrer et vous le massacrez. Un cheval des écuries du roi !
Heureusement, saint Pierre revint de la messe et ferra la bête suivant son originale méthode.
Il resta encore quelques jours auprès d’Eloi, puis, comme les leçons avaient porté, il remonta au ciel.
Peu après, Eloi abandonna son métier et s’en alla étudier. Par la suite, il devint un saint évêque.