Couteau Long Hunter : couteau primitif américain

[Marc Alain]

J’ai troqué cette lame à un ami qui l’avait trouvée lui-même dans une brocante.

Il s’agit d’une lime qui, après forgeage, était devenue lame. De la lime elle avait gardé le manche et le quadrillage caractéristique. On pouvait voir au premier coup d’œil son vécu et sa qualité : un dos écrasé par les coups de marteaux, débordant de plus de 5 mm de chaque coté, témoignait de la violence des mauvais traitements subits pendant sa carrière de lame. Pour la qualité, le tranchant, bien que rayé restait correct, sans ébréchures ni écrasements importants.

Couteau LONG HUNTER

La décision fut vite prise : cette lame deviendrait un couteau primitif américain du type "long hunter".
C'est ce genre de couteaux que l'on trouvait au côté du coureur des bois au XVII ème siècle avec une hache et un fusil à silex. Le couteau des guerres franco-anglaises au Nouveau Monde, celui de la guerre d'Indépendance.

De retour à l'atelier, je ne fus point déçu : le dos de lame pouvait parfaitement se travailler à la lime ; le tranchant, lui, résistait bien à la pierre.
J'ai donc enlevé les traces des outrages subis. Cela m'a permis de redresser la ligne de dos et a eu pour conséquence de rectifier un détail qui me gênait un peu : la soie était centrée sur l'axe de la lame, maintenant elle se trouvait plus haute ce qui me satisfaisait mieux compte tenu du projet.
Un ponçage léger pour enlever la rouille sans porter atteinte à l'état de surface d'origine me permet de nettoyer les flancs de la lame, forgé au plus prés avec une émouture convexe.

Dimensions du couteau :

• longueur totale : 38.5 cm
• lame : 25 cm
• au plus large : 3.8 cm
• épaisseur : 0.5 cm

[BDelor]

Bonjour,
c'est un bel exemple de couteau rustique "roots" !
Pourrais-tu nous donner des détails sur la ligature de la liaison lame/manche et sur le rivetage de la soie ?
Amitiés.

[Marc Alain]

EPISODE DEUX

Une fois la lame prête, passons au manche. Pour rester fidèle au projet, je choisis de prélever le manche dans une ramure de cerf de Virginie. Ancienne et bien patinée elle est plus adaptée que les bois des cerfs de nos contrées. Mon choix se porte sur un tronçon avec deux démarrages d'ardillons. Le montage est pratiquement traversant, collé à l'araldite bleue renforcé par une ligature en fil de lin,
Quatre gros clous sont là pour la décoration.
Le bois de cerf de Virginie présente une spongiosa assez conséquente qui rend, à mon goût sa section assez peu esthétique. J'ai donc décidé de monter en cul de manche, deux plaquettes de laiton collées et fixées de deux clous eux aussi de laiton.

[Marc Alain]

Pour terminer une photo avec son étui :

[BDelor]

C'est un bel ensemble.

• Est-ce que tu as également fait l'étui ?
• Pour ce qui concerne la lame, que tu dis tirée d'une lime, je suppose que tu as refait l'affutage.
  Que donne le tranchant ? Est-ce que tu as l'impression d'une bonne tenue dans le temps ?
• Encore une question : Quelle est la part de libre interprétation et la part de reproduction dans ce travail ? Existe-t-il à ta connaissance des exemples de pièces d'époque de même type ?

Amitiés

[Marc Alain]

Oui, j'ai également fait l'étui.
Je l'ai taillé dans du cuir de vachette tanné végétal de 4 mm d'épaisseur.
Dans une peau plus fine et souple, j'ai découpé les 25 mètres de lanière qui m'ont permis de réaliser le laçage de couture ainsi que les franges.
Le cuir humide a été moulé sur le couteau avant teinture et a reçu une patine destinée à lui donner un aspect un peu moins neuf en harmonie avec la lame.

Pour en venir à la lame, je l'ai effectivement un peu réaffuté. Le tranchant est redoutable (je conseille de recompter ses doigts après usage ! )
La tenue dans le temps devrait être bonne, l'émouture bombée est de nature à bien résister aux ébréchures et déformations.

Je n'ai pas connaissance de pièce d'époque dont ce couteau pourrait être une reproduction. C'était une époque fort éloignée de l'idée de standardisation.
Toutefois l'usage de grands couteaux issus de limes est connu en Amérique comme en Europe.
Le bois de cervidé est fréquemment utilisé sous toutes les latitudes.
Le fil, le tendon, le cuir cru sont fréquemment utilisés en renfort de manche de couteaux.
Le cloutage est aussi une pratique coutumière.
Pour résumer, je dirais que mon couteau est une interprétation réunissant diverses pratiques anciennes que les couteaux issus du type Bowie nous ont fait un peu oublier.