Bonjour à tous,
après une longue hésitation, je me suis enfin décidé à poster photo et descriptif technique de mon harnois sur-mesure afin de vous expliquer les choses que j'ai apprises en le réalisant. Comme j'ai pu le remarquer, certains s'intéressent à ce vieux métier perdu depuis des siècles, c'est pourquoi je souhaite partager avec vous ces techniques de travail de la tôle.
Voici une photo de l'armure complète (le casque est de fabrication industrielle) :
Pour vous situer un peu, cette reproduction d'armure date de la fin du XIVème siècle voire même début XVème. Elle est constituée d'une Corrazina (cotte de plaques), gantelets, jambière, bras, basés sur les pièces de fouilles retrouvées au château de Churburg. On ne parlera pas du casque car il n'est pas réalisé de manière historique...
Afin de commencer mes explications je vous propose de parcourir les différentes pièces de cette armure en détail.
La première chose à savoir sur le battage d'armure, c'est qu'une armure se doit d’être la plus proche du corps : elle doit épouser les courbes !
Les gantelets ont été réalisés en acier doux de 15 dixièmes de millimètre suivant une technique très utilisée dans la fabrication d'armure : la rétreinte ; le but étant de ne jamais étirer la matière, ne pas affiner la tôle car la protection se verrait être moins performante.
Le principe est simple : il suffit de partir d'un "cylindre" riveté du diamètre le plus grand du gantelet, c'est à dire la fin de la clepsydre (après le poignet), et de diminuer le diamètre de ce cylindre passe après passe afin d'arriver au diamètre du poignet. Ce procédé a pour effet d'épaissir la pièce à l'endroit le plus sensible : le poignet.
On travaille ainsi les 2 extrémités du gantelet afin d’obtenir une forme de sablier, l'endroit de plus petit diamètre étant l'endroit le plus résistant. Ensuite, il faut emboutir, rétreindre la forme des métacarpes : cela va aussi apporter de la résistance et de l’esthétisme. La partie forge est terminée mais on n'a pas fini. Maintenant que la forme globale est atteinte, il faut planer et écrouir la pièce afin de la rendre lisse et plus résistante. Pour ce faire : marteler méticuleusement chaque mm² de la pièce. Enfin le fourbissage du gantelet peut être réalisé : meuleuse, disque abrasif grain 80 et en avant ! Puis polissage, couture, assemblage et voilà le travail !
Voilà pour ce qui est des gantelets. L'outillage employé est une bigorne, un marteau à rétreindre, des marteaux de planage et de la patience.
Les bras d'armures sont réalisés en utilisant les mêmes techniques : rétreinte, planage, fourbissage, polissage. Bien sûr les formes doivent être fidèles à celles du porteur. Je vais me pencher sur la partie du coude car c'est exactement le même principe que pour forger un casque d'une pièce : contrairement à ce qu'on pourrait croire, ce n'est pas la pointe qui sort de la tôle, mais la tôle qui se repousse sur elle-même pour former la pointe. De ce fait, la pointe de la coudière est résistante à souhait et peut constituer une arme supplémentaire. Le but va être de tracer sur la tôle des cercles concentriques de diamètres différents afin d'avoir les lignes de passe tout en travaillant. Lorsque la chaude est prête, le travail se fait sur la bigorne avec le marteau à rétreindre : on part du centre, on frappe la tôle en donnant de l'angle à cette dernière afin de ne pas entendre le son de l'enclume mais bien celui de la tôle qui se déforme. De ce fait, je sais que je n'écrase pas l'acier à chaud, donc je ne l'étire pas. Il faut suivre avec le marteau les cercle tracés. Il est très important de bien vérifier que le cercle rétreint soit sur un seul plan, de profil comme de face (les cercles étant tracés au dessus). Une vidéo explicative sera plus compréhensible :
Voici une photo de la pièce finie ainsi qu'une photo de la pièce de fouille :
Voila, je m’arrête là pour aujourd'hui, cela me permettra de répondre à d'éventuelles questions avant de parler de la Corrazina ainsi que des jambières. En espérant que cela vous ait plu. La suite prochainement !