Re: Jean Seydel, maître Jean - forgeron à Uccle (Bruxelles)
de Gargouille » Dim 9 Aoû 2009 15:00
Voilà une belle histoire à publier sur votre site...
Jean Seydel, la légende
Dans les années 70, Jean, qui avait atteint le sommet de son art, voulut monter un « coup » qui lui prouverait (et à ses intimes) qu'il était tout simplement le meilleur.
Il décida donc de fabriquer une paire de « pétrinal », pistolet à rouet de première génération, à canon très long (la poudre noire était lente et nécessitait du temps pour propulser la balle) situé entre le pistolet et l'arquebuse et qui avait la particularité qu'on en appuyait la crosse, quasi droite, sur la poitrine, d'où le nom.
L'autre finesse consistait précisément dans l'idée qu'aucun faussaire ne se serait lancé dans le travail de fou que représentait une paire, ces pistolets étant profusément incrustés de gravures en os et donc très longs à fabriquer.
Afin que nul ne puisse douter un jour qu'il en était le créateur, je fus chargé de prendre des photos de toutes les phases de l'opération.
La patine fut ce qui prit le plus de temps. Jean avait tout essayé: acides, sels, mélanges, rien ne donnait une patine « authentique ». jusqu'au jour ou nous fûmes pris ensemble, avec Pierre Saint Germain et d'autres, d'un urgent besoin. Jean déposa les pièces des deux armes dans un bac assez plat et toute l'équipe de l'époque urina à profusion, dessinant dans l'air de Novembre des volutes de vapeur. Et on abandonna l'ensemble sur le toit de l'atelier.
L'hiver vint, neigeux. Puis le printemps et l'été et les premières chaleurs nous rappelèrent que les nombreux chats de Berthe (madame Seydel, si patiente et douce avec tous) n'étaient pas les seuls à sentir.
Le bac était devenu un bloc de rouille, assez peu ragoûtant. Jean lava les pièces, les passa au papier de verre de plus en plus fin et se mit à les polir au rouge à bijoux. La patine était splendide!
Un grand antiquaire de Los Angeles vint les voir et les paya le juste prix. Un an plus tard, une de deux plus importantes maisons de vente aux enchères du monde les présentait dans ses bureaux de New-York.
Elles furent acquises à prix d'or par le conservateur d'un musée italien. Et parurent en double page dans une célèbre revues d'armes de l'époque.
L'ayant appris, Jean me montre l'article, avec un de ses sourires coquins et grimpe dans sa vénérable 4L Renault, direction Milan.
Et là, il découvre ses pistolets dans une vitrine blindée, orgueil du musée. Il se marre, demande en italien à pouvoir rencontrer le conservateur. Le brave type arrive, fier d'avoir un visiteur Belge. Jean alors lui déclare tranquillement qu'il est l'auteur des armes. Le conservateur en rit, avant que Jean, ne lui proposant de faire ouvrir (sous bonne garde) ladite vitrine, ne sorte ses outils, démonte un des canons et exhibe fièrement « SON » poinçon, que je ne l'ai jamais vu employer d'ailleurs que dans ce cas là.
Le conservateur n'y croit toujours pas, prétend que Jean les a sans doute restaurées, mais pas fabriquées de toutes pièces. Jean l'achève avec mes photos.
Le conservateur fit refermer la vitrine et déclara splendidement: « Monsieur, vous êtes le Leonardo da Vinci de notre époque, cela ne fait aucun doute. Mais j'ai payé ces pistolets 50.000 dollars et ma réputation est en jeu. En refermant cette vitrine, ils deviennent authentiques. Je vous souhaite un bon voyage de retour...