Metal Connexion a écrit:Les premières questions qui me viennent à l'esprit concernent la motivation de ton client :
Est-ce un collectionneur, ou est-ce un client tenté par un achat ponctuel d'un objet qui le fait rêver ?
Il s'agit d'un collectionneur intéressé à la fois par les armes de anciennes et par la production d'artisans contemporains. Il n'en est manifestement pas à son premier investissement dans le domaine. Ceci dit, dans ce type de commande, entre forcément la part de rêve en même temps que l'Histoire.
Metal Connexion a écrit:Entretient-il un rapport particulier avec ces armes historiques ? Sais-tu si le sabre sera exposé ?
Par de rapport particulier, sinon celui d'un collectionneur. En revanche nous envisageons une collaboration future pour un sabre kosaque, qui correspondrait plus à ses origines. Pour ce que j'en sais, le sabre sera exposé en privé.
Metal Connexion a écrit:Enfin, as-tu des exemples d'autres paires d'armes blanches sombre/claire ? Y a-t-il une symbolique précise associée à ce couple dans ton cas ?
Non c'est une symbolique assez courante (yin-yang...etc), qui est apparue pendant la discussion sur les questions de finitions de la lame et des ornements, mais qui - à ma connaissance - n'a pas de fondement historique particulier concernant l'Empire Ottoman. Nous faisons attention à ce que les orientations esthétiques choisies ne soient pas incohérentes avec la réalité historique, mais à l'intérieur de cette contrainte générale, nous nous autorisons quelques libertés.
Il faut savoir que les yatagans ont été produits en très grand nombre au XIXème siècle, parfois pour produire des pièces strictement ornementales (après tout les souvenirs touristiques ne datent pas d'hier) quoique de grande qualité. On trouve déjà à l'époque de grandes variations dans les types d'ornements, les formes, les techniques employées, en fonction des origines géographiques qui peuvent être très différentes : Mer Noire, Turquie actuelle, Balkans...
Metal Connexion a écrit:Concernant la trousse réalisée :
Comment disposes-tu les couches : une couche d'acier 60Ni20 puis une couche 80CrV2 ?
Dans le cas présent le damas est très simple puisqu'il s'agit d'un feuilleté. Les couches sont alternées.
Metal Connexion a écrit:Connais-tu précisément le résultat que tu obtiendras ? As-tu déja travaillé ces aciers ensemble ?
Le résultat d'un damas peut être prévu compte tenu
des matières choisies
de leur agencement et de leur mise en forme
Ici nous avons deux aciers dont le rendu à la révélation sera faiblement contrasté : le 60Ni20, brillant, et le 80CrV2 gris très clair. On sait donc que la lame sera très claire et le motif peu visible.
Ensuite le choix d'un feuilleté entraîne forcément un motif aléatoire ayant l'aspect du veinage tourmenté d'un bois. La finesse du motif dépend du nombre de couches final (c'est à dire du nombre de replis / soudures). Plus ce nombre est élevé, plus les couches sont proches les unes des autres et donc plus le motif est fin. Ici l'objectif est de monter à plus de 1000 couches, soit environ 4 fois plus que la plupart des feuilletés réalisés habituellement en coutellerie d'art contemporaine.
Je n'ai pas travaillé ces deux aciers ensembles, mais je connais bien le rendu du 60Ni20 élaboré par Achim pour ses qualités de brillance dans le damas, combinées à un taux de carbone adapté aux exigences de la coutellerie. Je l'ai déjà utilisé en combinaison avec du C130 pour les lames de couteaux de chasse, par exemple :
Le 80CrV2 m'a été conseillé par Achim pour son rendu gris clair à la révélation. C'est la brillance exceptionnelle du 60Ni20 qui permettra d'avoir un léger contraste et de rendre visible le feuilletage.
Guillaume48 a écrit:Une petite chose m'interpelle Bernard. Le client cherchant une réalisation très cadrée historiquement, n'est il pas illogique d'utiliser des aciers si modernes pour la fabrication du damas?
Tu as raison, mais comme je le disais au dessus, nous ne sommes pas dans une démarche stricte et scientifiquement rigoureuse de reconstruction historique qui supposerait - entre autres - de respecter un mode de fabrication artisanal de l'acier. D'ailleurs, pour nombre de yatagans datant de la fin XVIII ou du XIXème siècle, la production d'acier entrait déjà dans l'ère de l'industrie.
En outre, il y a des contraintes de budget qui font que l'on ne peut pas pousser à l'extrême la démarche. En revanche nous nous interdisons de faire intervenir des éléments visiblement anachroniques : pas de titane anodisé (ne ries pas, regarde d'abord les productions des couteliers d'art US contemporains !), de visserie, de fibre carbone ou d'inscriptions elfiques !
Dernier point à prendre en considération, les matières utilisées à l'origine sont à présent frappées de restrictions CITES plus ou moins strictes : ivoire de morse, corne de rhinocéros...etc. S'il est parfois encore possible de travailler ces matières sur le sol national, en revanche l'exportation de l'objet fini à l'étranger - notamment aux US - est une aventure administrativo-aléatoire que je ne conseille à personne...